V2V TRIP

Du vignoble du Jurançon aux vignobles de la Californie, traversée d'un océan en cargo et d'un continent en vélo. From Jurançon vineyard to Napa Valley vineyard, through the Atlantic ocean by cargo ship and from New York to San Francisco by bicycle.

From Westcliffe (Colorado)

June 16th


En premier lieu, je voudrais dire à Lili, Jean-Louis et Michel que je pense tous les jours à eux. Ils savent pourquoi.

Rockies, acte 1

Dès la sortie de Pueblo, j'affronte les premières falaises qui me portent sur un superbe plateau, terre d'herbe rase parsemée de ranches où paissent les troupeaux. Le ciel est légèrement voilé, la température agréable, la pente faible (1 a 3%), la pédale douce. A ma grande surprise, les miles défilent sans efforts et je ne me trouve au pied du mur qu'à l'approche de WETMORE. J'ai déjà parcouru 29 miles sur 60 et il n'est que 10H30, l'affaire se présente bien.

Les ennuis se profilent...

D'après les cartes, je dois trouver à WETMORE épicerie et restaurant. Ils y sont, c'est un deux en un et ça n'ouvre... que le week-end. Bon, j'ai les bidons pleins et trois bouteilles dans les sacoches. Quant à manger il y a barres et biscuits. Je repars pour tomber immédiatement sur un panneau lumineux annonçant que la route est fermée en raison d'un incendie de forêt. Là, je n'ai aucune position de repli. Quand on n'a pas le choix, on fonce. Je fonce.

...et s'évanouissent

Un mile plus tard, je tombe sur un "store" ouvert, le "Wet Mountain Good", où une dame très coopérative me compose une salade. Je complète avec fruit, eau et café et la question du "repas" est très tôt réglée. Quant à la route, il y aurait une déviation mais on passe. Ouf!

Not so easy (pas si facile)

Je n'aime pas la montagne et la montagne me le rend bien.
Je redémarre dans de très bonnes conditions avec une pente moyenne qui va tourner d'après mes estimations entre 6 et 9 % suivant les passages. Je monte à 4/5 m/H. Ça me suffit, j'ai du temps il n'est que midi. Je m'installe dans un petit rythme sympa au milieu des sapins.

Ça ne va pas durer. Le vent se lève très vite, vent de face bien sûr. D'abord petite brise, il devient de plus en plus fort. J'entends les rafales descendre des forêts de résineux avec un bruit de cascades. Au début, je résiste. Jusqu'au moment où je suis projeté sur la droite et évite de très peu la chute. Là, ça se complique. Comme l'autre jour dans le Kansas, l'altimètre s'affole et avec lui l'indicateur de pente qui passe de 25% à -21% en trois secondes. J'en déduis qu'il doit y avoir un lien avec les pressions barométriques les jours de grand vent. Je continue autant que je peux, jusqu'au moment où j'évite d'être balayé une deuxième fois. Je décide d'avancer à pied: 2,5m/H ou 3,5 sur le vélo, ça ne change pas des masses.

La Samaritaine

Le moral commence à baisser quand une voiture s'arrête à ma hauteur. C'est une dame, qui me dit que la route est fermée. Elle va à WESTCLIFFE par la déviation. Je la fais parler un peu. Elle a un gros monospace vide, visiblement elle veut m'aider: est-ce l'ange gardien qui m'envoie du secours? Je réfléchis très vite: il me suffit de lui demander si elle peut m'amener, je suis sûr qu'elle accepte. Et puis non! Je la remercie. Le combat reprend. Je ne descends plus de vélo, j'avance comme je peux. J'ai enlevé du compteur la distance parcourue pour la remplacer par l'heure: je ne veux pas me casser définitivement un moral déjà très bas.

Mauvais présage

Ça monte toujours, il fait très chaud (plus de 100F), le vent ne faiblit pas, mes forces diminuent. Dans le ciel un voile gris, provenant de l'autre vallée, s'installe. Une deuxième voiture s'arrête à ma hauteur, dans le sens inverse cette fois. Ce sont des ouvriers d'un chantier électrique. Il me disent que la déviation n'est pas goudronnée et qu'elle fait... 10 à 15 miles.

Je n'ai toujours pas le choix: je reprends l'ascension, moral au trente-sixième dessous et forces en voie d'épuisement avancé.

Merci, Sheriff

A 15H, à la sortie de la San Isabel National Forest, après trois heures de lutte, j'arrive sur un grand plateau et j'aperçois de très loin les gyrophares. Le temps est devenu très gris, il ne fait plus que 75F. C'est là que tout va se jouer. Je pense qu'il me faudra arrêter une voiture pour la déviation. Les gyrophares que je voyais de loin sont ceux des voitures de police. Je m'adresse au Sheriff; d'abord je ne comprends pas. Mais son adjoint répète: la montée est finie et j'ai l'autorisation de passer! De désespérée, ma situation devient inespérée. L'ange ne m'en a pas voulu! Le Sheriff me demande si je n'ai pas de problèmes respiratoires, et me dit que la fumée risque de m'incommoder. J'ai froid, l'incendie va me réchauffer. Je sors le coupe-vent (le bien-nommé) et... le bandana. Je vais encore jouer les bandits, mais en l'occurrence, le sheriff opine.

Cathy, Cynthia et David

Je passe l'incendie comme une fleur, prends quelques photos, discute avec les pompiers. L'un me photographie: sous cet angle, qu'on voit l'incendie en fond, me dit-il. A la sortie de la zone, une grosse remontée se profile, je m'arrête pour enlever le bandana et boire. Je suis près des ambulances où Cathy et Cynthia sont en fonction. La première me dit joliment quelques mots de Français, puis tout le reste en Américain mais c'est beaucoup parce qu'elle n'a pas la langue dans la poche. Cynthia, elle, oh! surprise, parle Français. La survenance de David, un ranger, est l'occasion d'une série de photos. Tous ces gens sont vraiment très sympas!


L'affaire est pliée. Il me reste 10 miles de descente... où je vais devoir m'arrêter deux fois pour éviter la chute tellement les rafales sont puissantes et plusieurs fois pédaler comme un malade pour ne pas descendre en dessous de 5m/H. Je rappelle: dans la descente!

So far, so good.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Salut Bernard. Maintenant que tu es sur la Transamerica, nous suivons mieux ton itinéraire et nous pouvons, en intégrant les 8h de décalage horaire, pédaler de concert avec toi. Il fut des jours difficiles, nous arrivons un petit peu à nous mettre à ta place, mais je sens bien aujourd'hui, 15 juin, une belle journée en perspective. Que dirais-tu d'aller jusqu'à Poncha Springs ? ça a l'air sympathique, je viens de faire l'étape sur "google earth" avec le paysage virtuel à l'horizon, en zoomant,tournant,inclinant,changeant de configuration "plan/carte" à "mixte",... Notre mental accompagne le tien...tu peux compter sur nous. Amitiés.

9:50 AM  
Anonymous Anonyme said...

Pardon de ma regrettable erreur dans le précédent message, nous sommes le 16 juin aujourd'hui. Mais élément positif, j'ai découvert qu'en allant sur "comment" et en cliquant sur "Afficher le message d'origine", on avait le jour et l'heure d'envoi de ton message.
A +.

9:56 AM  
Anonymous Anonyme said...

merci beaucoup bernard pour ta longue réponse à ma question. Qui aurait pu en douter de ton plaisir ? moi seulement car je ne suis pas fait pour ce genre d'exploit!

autre sujet: je t'avais demandé avant que tu ne partes de bien regarder les nuits dans certains états comme le Kansas, le Colorado où tu es en ce moment et ceux à venir jusqu'à la californie.
mais je comprends bien que tu as autre chose à faire la nuit que de regarder les beautés du ciel nocturne...mais sait'on jamais, lors d'une journée de repos peut'être pourras tu admirer de beaux ciels. Si ça t'arrives,loin de toute pollution lumineuse,pense à moi.....
courrage, tes descriptions des montées des rockies sont dantesques. Mais où vas-tu donc chercher cette énergie et ce mental à toute épreuve ??!!

5:53 PM  

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