V2V TRIP

Du vignoble du Jurançon aux vignobles de la Californie, traversée d'un océan en cargo et d'un continent en vélo. From Jurançon vineyard to Napa Valley vineyard, through the Atlantic ocean by cargo ship and from New York to San Francisco by bicycle.

From Sedalia (Missouri)

June 2nd

Heureusement que la raison ne guide pas toutes nos décisions, sinon la vie serait sans surprises.

Pennsylvania bis

Hier matin je quitte JEFF CITY sous de gros nuages noirs. Comme toujours je subis quatre miles d'enfer pour sortir de l'agglomération. La seule issue possible est ici l'US 50, route à quatre voies qui traverse la ville! Je respire enfin sur la route 179. Trois chiffres, c'est toujours bon signe, signe de faible circulation et de paysages intéressants. Sur la carte, la route suit le Missouri, je devrais être tranquille. Une première côte au-dessus de 10% se présente pourtant. Je pense "rattrapage de niveau". Peu après j'en affronte une deuxième, puis une autre et une autre encore. Au bout de 9 miles et de une heure vingt minutes d'efforts, j'ai escaladé six côtes de gros calibre. Il me semble que je m'engage dans un massif quasiment montagneux enveloppé de brume sur lequel passent d'inquiétants nuages noirs de noir. J'arrive à un carrefour: "US 50: 4 miles". Alors, les côtes ou les camions?. Je ne suis pas parti ce matin avec les jambes d'acier, et mentalement je ne suis pas prêt à un remake de Pennsylvania: ce sera les camions... en dépit de toute raison.

Chaud derrière!

Le seul problème, c'est que contrairement à toutes les routes de ce calibre rencontrées jusqu'ici, celle-ci n'a pas de shoulder goudronnée! Donc me voici serré immédiatement par tout ce qui me dépasse. Après quelques minutes de timidité, très (trop?) à droite, je change de tactique: bien à ma place, à un mètre du bord. Quand je vois arriver un véhicule, je lui ouvre la porte en serrant à droite et de la main gauche lui fait un signe énergique signalant qu'il peut passer. Dans ma logique, c'est une attitude de communication; l'automobiliste sait qu'il est vu et voit que je coopère. Bref, la négociation au lieu du conflit. Ca marche assez bien, sauf quand je tombe sur des malades: par trois fois, je préfère partir dans le sable et laisser passer. Et je repars.

Nic Nac Cafe

Me voici déjà en Californie! Non, pas tout à fait, ce n'est que le ville de CALIFORNIA. Au bout de 10 miles de dur combat sur la route, je décide que l'heure du breakfast est arriv2e. Au milieu des Macdo et autres kingburgers, je repère un de mes arrêts de prédilection joliment appelé "Nic Nac Cafe". Je rentre. Personne! Ah oui, en avançant un peu, une dizaine de consommateurs sont autour d'une table commune. Je ne vais pas aller m'asseoir tout seul comme un minable!
"- Could I seat in front of you, Sir?
- Please, do. Where are you from. Germany?
- No sir, I'm from France
- France!
(Pourrais-je m'asseoir en face de vous , Monsieur? - faites, d'où venez-vous, d'Allemagne - Non Monsieur de France – de France!)
Et la conversation s'engage. Pendant qu'une jeune femme me sert les oeufs, le bacon et les pommes sautées, la patronne me demande mon prénom et tout le monde m'interroge sur le voyage. Au bout d'un moment, on ne m'appelle plus que Bernard. A la fin, je demande une photo de la table et rassure tout le monde en disant que c'est pour Time Magazine. Ça fait rire. Puis je demande une photo du staff avec les jolis T-shirts de couleur (ça se fait beaucoup, le T-shirt maison) et je me prépare à partir. Celle qui m'a servi s'appelle Michele, je chantonne "Michele, ma belle" et je tombe juste: ses parents sont des fans des Beatles et c'est pour ça qu'elle porte ce prénom français. Du coup, elle m'offre le café. Je veux refuser. La caissière me dit que ça se fait. Je laisse le prix du café en pourboire supplémentaire.

California Democrat

Je suis dehors, préparant mon départ, un monsieur arrive en voiture et vient directement vers moi. Je ne comprends rien à la première phrase. Je fais répéter. Mince! quelqu'un dans le café a vendu la mèche! Le monsieur s'appelle Dave Wilson, et il vient m'interviewer pour le journal local, le California Democrat. Moi qui plaisantait avec Time Magazine, je suis pris à mon propre piège. Bon. Nous nous mettons rapidement d'accord sur le prix... non, je rigole. Je réponds aux questions habituelles. Je lui montre les cartes, nous discutons un bon moment. Dave Wilson est un ancien militaire qui a fait des séjours en Europe. Il parle en km. Du coup, je ne sais plus où j'en suis tellement les miles me paraissent maintenant évidents. Le journaliste prend quelques photos et me voici vedette au cœur de l'Amérique. Simplement, la prochaine fois, j'espère tomber sur le New York Times ou CNN!

SEDALIA

Avec cette histoire, je repars de mon petit déjeuner à... midi moins le quart. Rassurez-vous, je vais rattraper le temps perdu, même en m'arrêtant à nouveau à 13H, pour déjeuner tout court cette fois. Et oui, il faut manger, c'est mon seul carburant! La route est de plus en plus facile, et après le repas j'ai droit à une shoulder goudronnée. Là, ça devient du gâteau et je suis à SEDALIA à 15H50 après 70 miles de route, en me félicitant d'avoir choisi cette option.


J'apprends en arrivant au motel que j'ai de la chance de trouver une chambre: c'est l'ouverture ce soir d'un festival de piano, de ragtime plus exactement, qui s'appelle Scott Joplin Ragtime Festival. Ça commence au motel, entrée libre. Et me voici au spectacle à 21H! Deux spectacles: ragtime dans la grande salle, banjo à l'étage inférieur. Gâté que je suis!


En rentrant du concert, savez-vous ce que je décide?: de prendre un jour de repos. J'ai quelques affaires à régler, la ville paraît bien équipée si j'en crois les dépliants touristiques, et d'après les longitudes, comme dit mon fils Éric, je suis bien en avance sur mon planning de la traversée.

Ebby W Norman

Ce matin donc, grasse matinée jusqu'à 8H, breakfast au motel, banque pour changer quelques travellers à l'approche du Week-end et direction downtown, le centre ville. Je repère la library, puis me dirige vers un magasin de cycles où j'ai besoin d'acheter un deuxième short. Là, un monsieur très sympathique m'accueille, admire le vélo comme partout où je vais, me vend un sous-cuissard qui représente pour moi un excellente solution, trouve mes freins un peu lâches et les resserre, nettoie la chaîne et la passe au spray, m'indique un coiffeur, un restaurant, me garde les bagages et le vélo et me trouve un motel plus proche que celui où j'étais hier soir! Rien que ça. Merci Monsieur Norman.

Dick's Barber Shop

Grand évènement: pour la première fois je vais chez un barber, un authentique, "three seats", "trois sièges" (tous en fonction quand j'arrive), les trois barbers affublés du canotier du festival. Je ne sais pas si vous avez vu le film "The Barber" mais c'est tout pareil comme. Ici, ça ne traîne pas. Je suis rapidement entre les mains de l'expert. ”shorter, please" (plus court,SVP). Il va y avoir du vent dans le Kansas, ce n'est pas le moment de lui donner des prises. Mon barber a appris un peu de Français à l'école, il est tout heureux de pouvoir dire quelques mots. Évidemment, au bout d'un moment, je suis la curiosité. Le patron, 47 ans… de boutique, est un boute-en-train. Il me passe un téléphone cellulaire factice, remarquablement taillé dans un bout de bois. Je ne me démonte pas: "allo, darling...!" (allô, chérie). Rire général. Quelques photos s'imposent. Je quitte le Barber dans une franche ambiance de rigolade. Après le repas, je m'installe au motel et je pars au festival.

Scott Joplin

Scott Joplin (1867-1917), dont un mural (peinture) orne un pan de mur de la ville, est considéré comme "the King of ragtime" (le roi du raqtime), un style de musique né a côté du jazz, qui a fait fureur dans les années 1900/1920. C'est une musique très rapide, très syncopée, que personnellement j'adore et que l'on n'entend pratiquement jamais en France, surtout en live. SEDALIA, où Scott Joplin a composé ses oeuvres majeures, devient pour trois jours un petit Marciac avec plusieurs lieux de concerts, certains gratuits, d'autres payants. Je suis donc allé écouter deux pianistes sous chapiteau et deux autres, dont un véritable virtuose, au "Katy Depot Heritage Site" (ancien dépôt du katy). Jacques de Sendets, j'ai beaucoup pensé à toi, je crois que ce musée d'un chemin de fer américain historique te plairait!


Demain, je vais reprendre la route par le Katy Trail, une autre portion. J'espère que le très beau temps va se maintenir. Hier, il pleuvait, je roulais. Aujourd'hui grand beau, je suis arrêté: l'inverse eut été plus raisonnable.

Mais si la raison guidait toutes nos décisions, qu'est-ce qu'on raterait dans la vie!

So far, so good.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Les miles de nos amis sont aussi nos miles : il me semble faire des progrès tant en anglais (la traduction simultanée évite Dieu merci les contresens qui rallongeraient le trajet pour te suivre), qu'en géographie et sociologie nord américaine. Et ce n'est pas du luxe. Tes séries de petits bonheurs bleus ou gris, nous les savourons goulument cher Bernard, aussi continue d'émettre !

Qqs remarques en vrac :
Est-ce que je calcule bien en transformant une montée de 10% en 1m tous les 10m ?
Soigne bien ton dérailleur et tes dents : brosse-les chaque soir ! Dernière question technique : en plus de la distance à parcourir, ne penses-tu pas, à force de monter plutot que de descendre, que tu termineras en Californie en très haute altitude ? As-tu prévu un masque à oxygene.
Tonton Didier

4:42 PM  
Anonymous Anonyme said...

Nice idea with this site its better than most of the rubbish I come across.
»

1:48 PM  

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