V2V TRIP

Du vignoble du Jurançon aux vignobles de la Californie, traversée d'un océan en cargo et d'un continent en vélo. From Jurançon vineyard to Napa Valley vineyard, through the Atlantic ocean by cargo ship and from New York to San Francisco by bicycle.

From Paris (Illinois)

May 25th

En ce 25 mai 2006 me voici depuis deux heures dans l'Illinois, dernier État du MIDWEST, dans une petite ville qui n'est ni Paris France, ni Paris Texas, mais Paris Illinois. Je dis deux heures mais en fait je ne sais plus trop où j'en suis puisque je viens de passer du "Standard time" au "Central time", c'est-à-dire que j'ai gagné une heure.

Profitons de ce temps supplémentaire pour faire un petit tour d'horizon général en peu de mots mais avec quelques photos.

Ce qui me frappe

1-Le nombre d'églises (édifices), et le nombre d'Églises (confessions). Ce phénomène est général, je l'observe depuis le départ.
Édifices: il y en a partout, en centre-ville un peu, pas dans les villages forcément, mais très souvent en pleine campagne.
Confessions: ce sont partout des confessions différentes et leur nombre est incroyable. Hier soir, dans la chambre, a côté de la Bible, j'avais une brochure de la Chamber of Commerce (office de tourisme local) de CRAWFORDSVILLE présentant le County: Il y avait trois pages d'églises différentes.
Pas étonnant dès lors que je sois tombé avec Pamela sur une chrétienne convaincue, car s'il y a tant d'églises, c'est qu'il y a des fidèles!
Je comprends mieux maintenant certaines choses qui m'échappaient lors des dernières présidentielles américaines concernant la campagne de GW Bush.

2-Le patriotisme des Américains.
Il y a des drapeaux partout: édifices publics, sièges de sociétés, maisons particulières, boites aux lettres, voitures.
Par ailleurs, je ne compte plus les "support our troups" (soutenons nos soldats) sur les voitures et les "proud to be an Americain" (fier d'être américain) sur les murs ou les véhicules.

3-L'imprudence des animaux.
Il y a des animaux (sauvages) écrasés partout sur le bord des routes, en moyenne un par mile. C'est de la folie. La plupart du temps ils sont petits mais j'ai déjà vu cinq biches mortes. Il faut dire qu'ils traversent n'importe quand. Là encore je ne compte pas les écureuils qui me sont passés devant les roues, j'ai vu trois traversées de biches dont une fois en couple (d'ailleurs, depuis, je ralentis dans les descentes en forêt).

4-L'amour des Américains pour les animaux factices. Sur mon carnet de route le 18/05 j'ai noté: "J'ai vu une biche qui a traversé devant moi, un lama vivant, une fausse girafe de 4 ou 5 m de haut, une fausse vache, deux faux cerfs"!
Bref, les faux animaux c'est l'équivalent de nos nains de jardin.

5-La puissance des véhicules.
Comme je l'ai déjà dit, le pick up, ce petit camion familial qui sert à l'utilitaire et à se promener, est toujours le roi (quoique je vois très souvent maintenant berline et pick up côte a côte devant les maisons). Il y en a énormément, mais contrairement à ce qu'on voit dans les films qui commencent à dater, ce sont devenus de gros engins, pour la plupart 4X4.
Je n'ai pas noté de différences de comportement avec la conduite en France, ce qui me surprend.
Par exemple, hier, j'ai "retenu" une voiture sur 30m dans une côte. Derrière, il y avait un gros pick up: quand il m'a dépassé, il a accéléré brutalement et m'a envoyé un énorme nuage noir qui m'a obligé a m'arrêter. Comme quoi, en matière d'imbécillité, le vide démographique n'existe pas.
Les conducteurs ont souvent un problème avec le vélo, il ne savent pas aborder un dépassement et calculent mal les distances. Il faut dire que depuis NYC (une exception), je n'ai pas vu dix vélos. Souvent, comme je les surveille dans le rétro, je leur fais signe de passer quand ils ont largement le temps et au lieu d'en profiter ils restent scotchés derrière. D'autres fois c'est l'inverse: Ils vous mettraient dans le fossé s'ils pouvaient (mais je fais le torero, je m'écarte).

6-La chaleur de l'accueil.
Descendus de voiture, tout rentre dans l'ordre et je suis partout très bien accueilli. Avant-hier, dans une station service où je m'étais arrêté pour faire le plein… de café et satisfaire un petit besoin de cycliste buvant souvent, le gérant m'a offert une bouteille d'eau. Hier, à midi, le patron d'un restaurant a voulu m'offrir le repas, j'ai refusé, il me l'a fait moitié prix. En voiture, on me klaxonne, mais je ne sais jamais si c'est agressif ou l'inverse. Il doit y avoir un peu des deux. Hier, à l'entrée d'une ville, un monsieur qui me dépassait avec son pick up a baissé la vitre pour me féliciter (tout en roulant). Dans les jardins, les gens font des signes. Hier un agriculteur, en plein champ, à 50m de la route, sur un énorme engin, m'a fait un grand bonjour.
Enfin, je note une chose très curieuse et qui ne se fait pas en France, mais qui me fait grand plaisir, les conducteurs de Harley me saluent quand ils me croisent. A ce propos, et notre ami Daniel grand amateur de moto sera intéressé, le casque n'est pas obligatoire pour les motards: d'où les bandanas que l'on voit beaucoup en France dans les concentrations de ce type d'engins; c'est d'ailleurs à Mirande que j'ai acheté le mien, celui que je porte tous les jours quand le matin est un peu frais ou que j'ai besoin d'un couvre-chef à l'arrêt, un vrai avec le logo "created with pride in America" (dessiné avec fierté en Amérique).

Ma vie de voyageur

1-Les motels
Ils sont idéals pour moi puisque j'ai le vélo dans la chambre (pas de risque de vol, tout sous la main, pas besoin d'enlever tous les jours toutes les sacoches).
Après un départ la fleur au fusil, je me suis aperçu que j'avais eu beaucoup de chance. Pour ne pas trop tenter le hasard, mais aussi pour m'enlever un stress permanent ("est-ce qu'a tel endroit je vais trouver quelque chose?"), je me suis organisé.
Les vieux motels sont souvent très décevants. J'ai eu droit à deux gargotes qui m'ont cassé le moral. Je me suis donc habitué aux établissements de chaînes (Best Western, Super 8, etc). Ce sont des prix raisonnables (il y a d'ailleurs beaucoup d'ouvriers en semaine), les chambres sont modernes et agréables. J'ai fait une série de photos dans une chambre de Best Western, qui n'a rien d'exceptionnel. Ce soir là j'ai payé 56$ (45€), breakfast du matin inclus. Vous jugerez.
J'ai demandé les guides de plusieurs chaînes, découpé les pages des États que je vais traverser, et positionné les motels sur les cartes. Comme ça, je peux prévoir des étapes en étant sûr de moi. Inconvénient majeur: Ils sont situés en périphérie, dans des immenses zones commerciales totalement inhumaines, et je me paie chaque soir quelques miles de plus pour venir manger en ville parce qu'autour des motels c'est de la m... Justement, parlons-en.

2-La restauration.
Je vous ai déjà parlé plusieurs fois des "dinners". C'est pour moi, avec le problème du gluten, une solution idéale. Toujours tenus par des femmes, il s'y consomme, si on le veut, une cuisine familiale très agréable en voyage. Par exemple, à midi, j'ai mangé: soupe de légumes, steak, haricots verts, purée, salade composée, coupe de fruits frais, café, Coca. Prix: 9$ et quelques, 10$ 1/2 avec le pourboire (8€!). Je ne vais plus que là ou, en cas de besoin, dans les stations services qui offrent souvent une véritable restauration chaude. C'est parfait dans les endroits isolés.
Pour les consommations (sodas, café), quel que soit le repas, on vous ressert à volonté, mais vous ne payez qu'une fois. Ils ont des fontaines à sodas, dès que votre verre est vide, on vous le remplit. Idem pour le café: il y a des machines partout.

Le cycliste

Il est un peu fatigué. J'ai du mal à récupérer des efforts consentis dans les terribles journées que je vous ai racontées. J'ai un peu mal au genou droit quand je force. A part ça, j'avale de longues étapes, comme hier 90 miles (145km) ou aujourd'hui 75 (120km), sans mal aux jambes ni fatigue musculaire. Sur ce plan là, je dois récupérer assez vite car je dors peu et suis tous les jours debout avant 6H. Je ne pense pas avoir grossi, j'ai même deux jolis creux à la place des joues.

-Les aspects touristiques.
L'OHIO et l'INDIANA (que j'ai traversé en deux demi-étapes et une longue soit 2 jours), m'ont été profitables. L'INDIANA est à peine un peu plus vallonné, mais si peu, et j'ai roulé ce matin dans une superbe forêt au pays des... Cherokees (je ne pouvais pas traverser l'INDIANA sans parler d'Indiens). Vous verrez une photo d'un évènement historique relatif à une pendaison de blancs qui avaient tué des Indiens en 1824.

-Le vent
J'en ai eu par moments depuis l'OHIO. Au début, c'était un vent de nord-ouest très froid. Nous sommes passés depuis hier au vrai vent dominant, celui de sud-ouest.
Alors, petit vocabulaire car ici je n'entends que ça: wind c'est le vent, headwind c'est le vent de face, prevailing wind c'est le vent dominant.
Aujourd'hui, je n'ai parcouru "que" 75 miles, mais face au vent. Et je peux vous dire que, dans ces grandes plaines sans aucun abri, c'est vraiment quelque chose. Dès le départ, j'ai adopté une tactique tout à fait personnelle; je ne m'occupe ni de la vitesse, ni du braquet. Je base tout sur la cadence de pédalage qui me permet de maintenir une "allure" et de tenir les sacoches frontales. J'aime bien tourner les jambes à environ 60 à la minute. Je maintiens ce rythme. Si le vent est très fort comme aujourd'hui, je suis en permanence sur des braquets d'ascensions: 39X21, 39X23, 39X26. J'ai même roulé en fin d'étape sur le 28X23. Évidemment, la moyenne s'en ressent. La vitesse est souvent autour de 8 ou 9 miles/H. Je suis descendu à 6 par moments. Par comparaison, j'ai fait les 90 miles d'hier (145km), sans vent, à 12 de moyenne (près de 20km/H).
Les croisements des lourds véhicules sont terribles: ils me scotchent. Par contre, ceux qui me dépassent provoquent certes l'effet de souffle mais en même temps d'aspiration qui me fait gagner 2 miles à l'heure sur une cinquantaine de mètres. Mais attention dans les deux cas à tenir fermement le guidon.
Je sais maintenant que ce sera très dur dans les grandes plaines de l'Ouest. Mais aujourd'hui est un bon test: la météo avait annoncé tempête.

-Le côté matériel
Pourquoi j'entretiens au lieu de faire des choses plus intéressantes?
1- Pour avoir une chance de terminer le voyage.
2- Parce que ça me paraît normal, comme ça l'est de se laver tous les jours.
3- Parce que je suis un abominable maniaque
4- Parce j'entretiens en même temps le moral: tant que je garde la maîtrise, c'est que je domine la situation. J'ai même réparé la chambre à air crevée, ce que je ne fais même pas chez moi.

Je vais m'en tenir là pour ce soir, histoire d'illustrer mes propos par l'envoi de quelques photos (en raison du pont de l'Ascension, il pourrait y avoir un petit décalage dans la mise en page des dites photos; veuillez en excuser le routeur).

So far, so good.


5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Le rêve et l’émotion s’installent chez tes lecteurs. La performance en est (presque) reléguée au second plan. Et pourtant !
Merci Bernard de nous faire partager avec autant de sensibilité et d’humour ces moments de découverte.
Tu es une belle plume aux solides mollets.
Chapeau (à plume bien sur)

8:53 AM  
Anonymous Anonyme said...

Mon bien cher daddou,
How fière I am of you! It's complètement passionning de suivre tes pas sur cette road vers l'ouest et de rencontrer ces american people aussi... américains!!
(bon, j'arrête de parler anglais pour que tout le monde me comprenne...)
Quel plaisir de suivre le feuilleton de tes aventures! Dès que j'arrive au travail, hop! connexion sur le blog! Y a-t-il une nouvelle histoire d'étape, des photos, des comments?
Je tremble un peu à l'idée de tous ces énormes trucks qui te doublent (as-tu bien mis l'écarteur de danger?...), je me pourlèche les babines en imaginant les brunchs pantagruéliques que tu t'offres (Mmmmhhh... les oeufs au bacon...), je t'encourage par la pensée pour alléger un peu tes jambes (attention, il me semble que tu en fais un peu trop en ce moment! Qui veut aller loin, ménage ses mollets!). La petite balise avance bien sur la google-map d'Eric , c'est bon signe!Allez, je t'embrasse TRES fort (ton gendre préféré aussi)

Isa

4:37 PM  
Anonymous Anonyme said...

Style enjoué,humour corrosif, écriture alerte, coup de pédale agressif, tout cela sent la grande forme de retour et le moral au zénith. Attention toutefois aux rencontres "confessionnelles", ce n'est pas le moment de se disperser, les rockies (mountains bien sûr) ne vont pas tarder....Go on old boy!

6:41 PM  
Anonymous Anonyme said...

c'est avec beaucoup d'admiration que je suis ton périple à l'aide des textes que tu transmets.
j'ai la carte des US devant moi, et je vois de semaine en semaine où tu en es!
trop fort bernard !!
il y a cependant quelque chose qui m'interroge de plus en plus:
tu réalises un rève, et partant de ça tu devrais prendre un gros plaisir à le réaliser. Mais, y arrives tu?? est-ce que les soucis matériels journaliers(logement, repas,soucis routiers, intempéries et autres..)ne te gachent pas ce plaisir?? ton imagination d'avant voyage correspond'elle à la réalité?
bon courage
alain peiré

3:03 PM  
Anonymous Anonyme said...

I'm impressed with your site, very nice graphics!
»

6:10 AM  

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