V2V TRIP

Du vignoble du Jurançon aux vignobles de la Californie, traversée d'un océan en cargo et d'un continent en vélo. From Jurançon vineyard to Napa Valley vineyard, through the Atlantic ocean by cargo ship and from New York to San Francisco by bicycle.

From Kayenta (Navajo territory)
June 27th

May it be beautiful before me
May it be beautiful behind me
May it be beautiful below me
May it be beautiful above me
May it be beautiful all around me
In beauty it is finish
In beauty it is finish
(prière Navajo)

J'y suis.
Je ne dirai pas que tout le voyage était dirigé vers là, mais...

J'y suis. Dans le grenier de ma mémoire où sont entassés pêle-mêle des images, des sons, des mots, cette image là, j'allais souvent la rechercher, et pour la faire vivre, je passais sur la poussière qui cherchait à la recouvrir le tranchant de ma main.


J'y suis. Il y a peu encore, je pensais que c'était impossible. Des centaines de kilomètres pour traverser la France, des milliers de milles marins sur une mer et un océan, trois mille miles à travers un continent: ce ne serait jamais qu'un rêve.


Et bien non puisque j'y suis. J'y suis sur cette terre rouge. La terre est rouge comme le nom de ceux qui y ont toujours vécu: "redskins", les peaux-rouges. Est-ce parce qu'ils sont en symbiose avec elle: "earth spirit", l'esprit de la terre? Est-ce parce qu'elle est la mère, comme le ciel est le père? Est-ce simplement parce qu'ils avaient coutume de s'en maquiller?

J'y suis sur cette terre rouge. La terre est rouge comme si elle avait prévu, depuis les temps géologiques, le rouge de la honte, honte des paroles non-tenues et des traités bafoués. La terre est rouge comme si elle avait anticipé le sang versé, le génocide.

J'y suis et l'image cesse d'être une image. Elle devient falaise rouge, roche rouge, sable rouge parsemé de touffes vertes. Et le ciel est intensément bleu par-dessus ces désertiques étendues rouges. Et le son n'est plus une composition musicale. C'est le silence, profond, sans chants d'oiseaux, sans activité humaine.


J'y suis après être entré par un canyon impressionnant et une très longue ascension dans "the Valley of the Gods", la vallée des Dieux. Je progresse lentement. Je ne traverse pas "the valley of the gods", j'y chemine, j'y "pèlerine". Cette première terre rouge est aujourd'hui un territoire blanc. Il devait y avoir quelque chose à exploiter. Après MEXICAN HAT (chapeau mexicain), ainsi nommé à cause d'un curieux rocher, j'entre dans la Navajo Reservation, le territoire des Navajos.


Encore un long, très long, et difficile effort et j'y suis. Je suis au cœur du rêve comme le noyau et au centre du fruit. Je suis au sommet de cette route si longtemps désirée, cette route rectiligne qui semble venir se prosterner au pied des buttes, cette route symbole de l'american dream (le rêve américain).


J'y suis. Et l'image devient totems rouges, buttes rouges, mesas rouges.

J'y suis, je suis dans Monument Valley!



J'ai roulé à vélo dans Monument Valley

On me disait: "Mais tu pourras pas y aller avec ton vélo, c'est des pistes en terre, c'est très loin, tu ne verras rien". Je pensais: "Mais enfin, ces films, où on voit des routes dans Monument Valley, ils nous trompent? Les "Telma et Louise", les "Forest Gump" c'est des tours de passe-passe de réalisateurs?

Et bien je vous l'affirme: il y a des routes dans Monument Valley, il y a une highway, la 163, et des routes annexes, et à vélo on en voit déjà beaucoup. Quand on atteint le visitor center, situé sur la hauteur, à 4 miles de la highway, et qu'on se trouve tout-à-coup devant les trois buttes emblématiques, je peux vous dire que ça fait un coup au cœur. Il y a des routes, à tel point que je vais proposer à la secrétaire de l'Académie d'y organiser le prochain voyage de Pentecôte (il n'y aura qu'à régler le problème de l'avancée en voiture, mais là je laisse faire les spécialistes).

J'ai roulé en Jeep dans Monument Valley

Je voulais faire une promenade à cheval. Problème: le départ du horse riding est à trois miles au fond de la vallée, cette fois sur une piste en terre. La jeune Navajo qui me renseigne veut m'y envoyer. C'est hors de question. Alors, comme par miracle, on vient me chercher en Jeep. C'est le boss lui-même. Il s'appelle Gilbert. Nous voilà partis. Nous descendons "down Monument Valley", où seulement huit familles vivent à l'année, et où les touristes doivent payer pour circuler sur une piste de terre et de rochers. Nous laissons à notre gauche West Mitten Butte, passons devant East Mitten Butte derrière laquelle le soleil se lève au solstice, et contournons Merrick butte. Dans "Il était une fois dans l'ouest", ils avaient dû apporter un peu de sable pour protéger les fesses de Claudia parce que ça cahote drôlement. En quelques miles, Gilbert et moi faisons connaissance. Nous parlons de tout, des lois des Navajos, de la faune (couguar, scorpions, entre autres), du nom des falaises et des buttes, de l'activité économique. Ça rapproche, une voiture. A un moment, Gilbert s'arrête pour satisfaire un besoin naturel. Je lui dit qu'à vélo j'ai le même problème et qu'il n'y a pas beaucoup de petits coins aux USA. Il se marre comme un bossu.

Je me suis promené à cheval dans Monument Valley

Nous voici arrivés. Les chevaux sont prêts. Il y a d'autres touristes, mais qui ont choisi une durée de promenade différente de la mienne. J'ai donc un jeune accompagnateur pour moi seul. "I am Bernard, what's your name?" (Je m'appelle Bernard, quel est votre nom?) "My name is DJ" (mon nom est DJ, initiales du nom et du prénom). Je me tire correctement du premier test: grimper sur la selle. Pour faire avancer le cheval c'est une autre affaire mais DJ vient à mon secours. Nous partons tous les deux, tantôt côte à côte, tantôt l'un derrière l'autre. Je questionne beaucoup, ça plaît à DJ. Les chevaux? Des "mustangs" pure race. Cette falaise noire et rose? Les jeunes mariées viennent y toucher l'eau qui provoque les traces noires sur la roche. Où travaillez-vous l'hiver? A KAYENTA. Et le nom de cette proéminence? Le fameux Totem Pole. Et ainsi de suite. Le courant passe, comme le temps qui passe, lui, trop vite. Nous revenons. Pourboire généreux. Gilbert est là, qui attend avec la Jeep. DJ et lui se disent quelques mots. Il se passe quelque chose qui m'échappe. Toujours est-il que j'ai droit à un retour par une route interdite aux touristes, une route privée réservée aux Navajos. "Free", c'est gratuit, c'est offert. En plus Gilbert me désigne les endroits où tirer les photos. Entre temps, nous continuons à discuter. Gilbert est très étonné que j'ai femme et enfants.

J'ai dormi dans Monument Valley

J'ai dormi au Goulding lodge, le moderne. Pour bien connaître l'histoire du premier lodge (hôtel), j'ai visité le matin du deuxième jour le musée installe dans le trading post (je pense qu'on peut traduire par "comptoir commercial"). En 1923, Harry Goulding et sa toute jeune épouse Mike viennent vivre et travailler ici avec le peuple Navajo dont ils obtiennent vite la confiance. C'est en 1928 qu'ils construisent le trading post. Leur commerce est basé sur l'alimentation et les articles de ménage. Ils sont en même temps conseillers pour les affaires gouvernementales. Dans les années 30, Harry a une idée géniale. Il se rend à Hollywood pour rencontrer John Ford et lui montrer des photos de Monument Valley qui pourrait constituer un excellent décor de westerns. Impressionné, John Ford décide d'y tourner son prochain film, "La chevauchée fantastique". Monument Valley et le tout jeune acteur... John Wayne sont lancés. Ça ne s'arrêtera plus.

Goulding n'est donc pas un village, c'est un lieu-dit où sont installés le lodge, un restaurant, un magasin d'artisanat Navajo, une épicerie et une station-service. Dormir aujourd'hui dans Monument Valley est un privilège, les places y sont chères (à tous les sens du terme). J'avais réservé à l'avance, ce que je ne fais pas d'habitude. Mais voir le soir tomber et, au réveil, le jour poindre et le soleil se lever sont des moments privilégiés. Maintenant que je les ai vécus je ne regrette pas de me les être offerts. Le lodge est très bien construit au pied de la falaise. Toutes les terrasses de toutes les chambres sont orientées pour les besoins du "spectacle".

Messieurs qui me lisaient, si vous voulez offrir à votre préférée un vrai moment de western romantique, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

So far, so good.


5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Quel bonheur de lire jour après jour ton récit de voyage.Je pars demain pour l'Irlande et je sais qu'à mon retour j'aurai des pages et des pages à lire pour partager ton enthousiasme.Bonne route l'ami. Nous allons tous (sauf Hélène) être très tristes le jour de ton arrivée, car nos RV sur le net cesseront...enfin peut-être auras tu encore longtemps beaucoup de choses à nous faire partager, tout ce que tu n'as pas le temps d'écrire pendant ton voyage.A bientôt donc .

10:23 PM  
Anonymous Anonyme said...

²La classe: - Merci pour ces belles photos qui nous font rêver...
Martin: - Bravo pour avoir surmonté ces périls... Dans combien de jours reviendras-tu?
En quoi sont les vêtements des Indiens? Comment les lavent-ils? les sèchent-ils? Que mangent-ils? et comment?
Vincent: - Bravo pour tous les miles que tu as parcourus. As-tu aperçu un village indien avec des tipis?
Paul-Louis:- N'es-tu pas trop fatigué?
Bastien: - As-tu surmonté tes peurs? As-tu mal aux jambes quand tu pédales?
Lucas:- T'es-tu fait mal quand le camion a failli t'écraser?Baptiste:- Tous les Indiens sont-ils gentils?
David:- As-tu vu des bisons?Paul:- as-tu trouvé des plumes d'Indiens?
Justine: - T'es-tu fait des amis indiens?
Les CE1 de Susu..

10:39 AM  
Anonymous Anonyme said...

Salut à toi, grand red head flat man, je te passe le bonjour d'un ancien camarade cycliste de tes amis, Auguste Soulére, dont le petit fils Martin(ce1 de susu) s'est étonné du fait que les indiens portent des lunettes de soleil...! L'antagonisme imaginaire-réalité! heureusement ces 2 notions se rejoignent devant ces paysages superbes. A +

12:29 PM  
Anonymous Anonyme said...

ENORME,EPOUSTOUFLANT,INCROYABLE...
mais qu'est ce que tu nous fait là bernard ?! je suis scotché, tu es passé à la vitesse supérieure, comme on dit en vélo, quelle mine tu as planté !!
tes photos sont superbes, on s'y croirait. j'ai passé aujourd'hui le moment le plus fort sur le blog.
tu m'avais déjà bien préparé l'autre jour avec ton passage à plus de 3000m.
maintenant je veux croire que ce n'est que du bonheur.. continues à en prendre un max.

5:29 PM  
Anonymous Anonyme said...

j'ai oublié de te rappeller de regarder le ciel la nuit dans ces contrées; c'est une vision que tu auras rarement dans la vie et que tu n'oublieras jamais.

5:42 PM  

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